Un retour inattendu et une escapade au MiMa

J’ai moi-même du mal à croire que cela fasse déjà plus d’un an que ce blog est simplement maintenu en « état de survie ». J’avais même envisagé de l’abandonner complètement. Pas de l’effacer, non, car je veux qu’une trace de mes expériences reste sur la toile, que le récit de mes (trop rares et peu nombreuses) visites et réflexions personnelles puissent au moins modestement contribuer à votre envie d’explorer le monde culturel de notre magnifique capitale. Plus le temps passait, plus je me disais que ça n’avait plus de sens de recommencer à écrire. Les raisons étaient diverses et variées : une dernière année universitaire plus qu’épique, un manque d’inspiration pour trouver de nouveaux sujets qui me touchent et vous toucheront aussi, une méticulosité presque maladive (et donc souvent décourageante) qui me pousse à rassembler et disséquer un nombre incalculable de sources avant d’oser exprimer mon opinion sur un sujet, et enfin, je l’avoue, un poil de paresse.

Et puis… Il y a eu cette visite au MiMa, alias the Millenium Iconoclast Museum of Art. Un véritable petit bijou au cœur de Molenbeek qui, on l’espère, aidera à redorer le blason de cette commune qui pour beaucoup, malheureusement, semble être le centre de tous les maux de la terre.

Je sais, tout bloggeur doté d’une conscience digne de ce nom et d’un minimum de professionnalisme aurait eu la sagesse de « lâcher l’affaire » (= ce foutu blog) plutôt que de laisser UN AN s’écouler entre deux posts. Mais qui a dit que j’étais raisonnable? Entre la sagesse et l’impulsion, j’ai choisi la dernière, car pour moi cette visite a déclenché une avalanche d’émotions que je souhaite partager avec vous, et puis parce que je souhaite encourager ce genre d’entreprise culturelle et espère que ce petit compte-rendu vous donnera envie de vous y rendre.

Le MiMa + Expo City Lights

Le MiMa, en deux mots, est un projet unique qui découle du désir de créer un centre d’échange et d’expression de la scène d’art contemporain (voir http://www.mimamuseum.eu/about/). En plus de ses œuvres permanentes le musée accueille également des expositions, la première (qui se finit le 28 août) étant City Lights. Puisque je ne peux l’exprimer en de meilleurs termes que ceux qui se trouvent au centre de ce projet, je reprends ici leur description de cette exposition qui réunit les réalisations de Swoon, Maya Hayuk, MOMO, et FAILE, offrant ainsi « une image multidimensionnelle de la culture 2.0, cet esprit cosmopolite qui anime le musée ».

N’étant qu’une néophyte en tout ce qui touche à l’art contemporain (et urbain dans ce cas particulier), je ne m’aventurerai pas à vous offrir un crash course retraçant de manière précise et religieuse l’évolution de cette forme artistique ainsi que ses caractéristiques principales. De un, parce que c’est super chiant pour vous autant que pour moi et je n’ai pas envie d’étudier trois milles sources (on va gentiment mettre son côté ultra académique de côté 🙂 ). De deux, parce qu’après tout on vit à l’ère du « if you don’t know it, google it », et il y a en effet bon nombre de vidéos, articles, livres à ce sujet qui seront sûrement bien mieux construits que ce post. Et enfin de trois, parce que je tiens à ne pas m’attirer les foudres des geeks de l’histoire de l’art (Lulu celle-là c’est pour toi. Cadeau.).

Ainsi, ce petit compte-rendu visera simplement à faire part de mon ressenti, des émotions et réflexions qui ont été déclenchées par cette visite. Pour beaucoup d’entre vous elles sembleront évidentes, voire naïves, mais au fond, ce petit exercice qui me pousse constamment à me demander le comment du pourquoi de mes émotions est pour moi une chose essentielle, et en partageant mon expérience j’espère vous inciter à cultiver ce genre de réflexions (n’est-ce pas, au final, le but ultime de ce blog ?).

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Swoon

L’appropriation de l’espace

Un des premiers éléments qui m’ont marquée lors de cette visite est la dimension des œuvres et la manière dont elles exploitent leur support. Le fait de voir de l’art urbain confiné dans un espace généralement réservé aux formats plus « traditionnels » m’a fait me rendre compte de l’importance de l’appropriation de l’espace dans cette forme artistique, ce qui pour moi est aussi l’expression du désir du citadin de se réapproprier sa ville (je me réfère ici aux œuvres lorsqu’elles se retrouvent « dans leur habitat naturel »). L’art à si grande échelle me fascine particulièrement d’un point de vue technique car cela requiert des moyens (physiques) considérables. D’autre part, je ne peux m’empêcher de penser que cette forme d’expression, aussi moderne qu’elle nous paraisse, est probablement celle qui est la plus proche de nos racines ancestrales. Au fond, les hommes des cavernes n’ont-ils pas initié cela déjà à travers les fresques murales ? Une association qui peut paraître stupide pour certains, mais que je trouve personnellement fascinante, notamment parce qu’elle rend compte de notre soif universelle de nous exprimer librement et sans limites. Bien sûr dans ce cas particulier, cet élan de liberté est poussé à l’extrême puisque les Street Artists se revendiquent souvent en marge des mouvements traditionnels. D’où mon interrogation sur la place que ce type de mouvement a pris dans les musées ; les limites entre genres sont finalement assez floues et peu définies. Mais cela est un tout autre débat.

L’explosion de couleurs

Maya Hayuk

Maya Hayuk

De la même manière que j’ai été touchée par la grandeur de ces œuvres, la palette de couleurs utilisée m’a vraiment impressionnée. En particulier l’œuvre de Maya Hayuk, à savoir une pièce dont les murs et fenêtres ont été recouverts de couleurs acidulées, le tout avec des diagonales de différentes épaisseurs qui donnent une dynamique particulière. Ce choix de couleurs « artificielles », qui ne correspondent pas vraiment à la palette qu’on est habitué à voir dans la nature, est pour Hayuk l’expression picturale la plus proche de ses émotions musicales. En-dehors de l’aspect synesthésique, j’ai été particulièrement marquée par cette pièce car la charge qu’elle contenait m’a fait pensé à l’exacerbation des sentiments (peut-être proche du sentiment religieux pour certains ?), à ce trop-plein d’émotions qu’on ressent parfois à un tel degré que ça en devient pratiquement indescriptible et impossible à contenir. L’artiste décrit elle-même son œuvre comme une sorte de chapelle ; une comparaison qui me touche particulièrement car en tant qu’athée, trouver un havre de paix qui soit en même temps dénué de jugement, plus malléable et plus flexible, n’est pas une simple affaire. J’en viens dès lors au concept abordé par le philosophe Alain De Botton, à savoir « l’Athéisme 2.0 », et l’idée selon laquelle nos musées pourraient en réalité devenir nos cathédrales. C’est un concept qui m’a toujours semblé très intéressant, mais le vivre moi-même a apporté une toute autre dimension à cette expérience.

 

La narration et l’intericonicité

Je pense ici particulièrement à l’œuvre de Faile, sorte de carrousel de l’étrange, du familier, du kitsch, bref du pur New-Yorkais. Certaines de leurs œuvres évoquent pour moi un retour au Pop Art à la Andy Warhol. Dans un style complètement différent des autres artistes exposés, on retrouvait ici un côté narratif très exploité avec une série de « vignettes » qui composaient les œuvres, à la manière d’une bande dessinée. Le fait de pouvoir aussi toucher l’œuvre rend l’expérience beaucoup plus enrichissante : elle nous rapproche à la fois des artistes, de nos propres expériences qu’on relie et identifie à l’œuvre, et des autres visiteurs qui eux-mêmes (peut-être) traversent les mêmes réflexions, interrogations, identifications par rapport à l’œuvre. En gros, elle nous sert de « connecteur universel », et n’est-ce pas finalement la plus belle fin qu’une œuvre puisse accomplir ?

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Faile

Le côté éphémère

En touche finale, le caractère éphémère de l’art urbain est probablement ce qui à la fois le définit le mieux et ce qui le rend le plus fragile.
Combien d’œuvres urbaines magnifiques ne voyons-nous pas recouvertes de graffitis disgracieux? Je me suis moi-même demandé ce que toutes ces œuvres allaient devenir après l’expo car bon nombre d’entre elles utilisent le musée directement comme support. Mais c’est aussi ce côté fragile, éphémère, furtif, qui ajoute au mystère et à la beauté de l’art urbain. Et peut-être est-ce justement là que se trouve la plus belle leçon de cette visite : la beauté se trouve aussi dans la fragilité.

 

Musiq’3, ou comment devenir un super-héros

superman is deadJe ne prétendrai pas affirmer qu’il existe de bonnes raisons d’abandonner ses lecteurs pendant autant de temps. Après tout, la majorité des bloggeurs carburent aux 3 billets/semaine minimum sans afficher la moindre fatigue digitale, douleur dorsale ou sécheresse oculaire causées par de longues heures passées derrière un écran d’ordinateur. Forcément, eux, ce sont des Super Bloggeurs : la dactylo n’a plus de secret pour eux, ils tapent plus vite que leur ombre, les idées de sujets leur viennent en permanence et ils publient des articles à tour de bras. De mon côté, la production d’un article est beaucoup moins glamour et beaucoup plus laborieuse. Cependant, à défaut d’être une Super Bloggeuse, je peux affirmer que mon stage de trois mois à Musiq’3 m’a permis de développer d’autres superpouvoirs bien plus cool et plus utiles. Je suis un peu devenue une SuperPam : moi-même, en mieux. Vous trouverez ci-dessous une liste de tous mes superpouvoirs nouvellement acquis.

Le don d’ubiquité

Au bout de deux-trois semaines à peine en tant que stagiaire à La Matinale, je suis parvenue à défier les lois de la physique et à développer un talent dont l’importance est loin d’être négligeable : le don d’ubiquité. Retrouver et accueillir les invités qui participent à l’émission n’est pas une tâche aisée, surtout quand on a soi-même l’impression de travailler dans le labyrinthe du Minotaure. Mais quelques jours seulement à la RTBF ont suffi à mettre fin définitivement à mon lourd passé de désorientation visuo-spatiale. On en vient donc à développer une technique ultra-rapide et infaillible pour retrouver ces prestigieux invités, à savoir garder une image mentale de toutes les photos sur lesquelles on a pu tomber la veille lors de la rédaction de l’article qui leur était consacré. À ce moment-là, tous les indices sont bons pour déclencher dans votre cerveau l’alarme « l’invité-est-là » : des lunettes, un instrument de musique, une coupe de cheveux façon années 90, un début de calvitie, etc.
Cependant, l’absence de mon collègue/compagnon d’infortune alias le-roux-le-plus-adorable-du-monde lors d’une semaine de travail chargée m’a fait comprendre qu’il était temps pour moi de passer à l’étape supérieure. Je me rendais bien compte que, même avec toute la meilleure volonté du monde, je ne pouvais pas être à la fois dans mon bureau à attendre que les gardiens de l’entrée me téléphonent, être à la sonothèque pour chercher les CD à diffuser incessamment sur antenne, le tout en résistant à un besoin pressant de me vider la vessie. J’avais déjà l’impression d’être un échec vivant. Mais contre toute attente, cette accumulation de pression a dû modifier quelque chose dans la chimie de mon cerveau – oui, je sais, la nature est bien faite – et un changement surprenant s’est opéré en moi, me permettant ainsi de me sortir de cette situation délicate. C’est donc presque avec émoi, mes chers lecteurs, que je vous annonce aujourd’hui que je suis physiquement capable de me trouver à plusieurs endroits en même temps.

La télépathie

Nombreux sont ceux qui vous diront que la difficulté majeure dans la communication et la façon de se comporter avec autrui est notre inhabilité totale à déchiffrer ce qui se passe dans leur tête. Dès le moment où l’on se trouve devant une autre personne, aucune hypothèse ne peut être tirée : on ne peut pas deviner ce qui se passe dans l’esprit de l’autre. BALIVERNES. À La Matinale de Musiq’3, nous avons bien vite compris que tout cela n’était qu’une absurde perte de temps. La parole, le téléphone, les mails, sont autant de moyens de communiquer qui pour nous sont devenus complètement obsolètes. La télépathie est donc un autre don qui s’est miraculeusement formé en moi lorsque j’ai été touchée par la grâce de la RTBF. Après quelques jours de pratique, la télépathie peut même s’opérer entre plus de deux personnes, mais seulement de manière hiérarchique : l’information passe d’abord du cerveau du maître de stage à celui de l’assistant, et sera ensuite relayée à la stagiaire (moi-même). Posséder cette aptitude s’avère être extrêmement utile quand le maître de stage s’est levé du pied gauche. Elle m’a permis plusieurs fois d’exécuter mon travail de manière convenable en évitant toute friction. La télépathie donne par la même occasion la capacité à empêcher mentalement le téléphone de sonner. Cependant, je n’ai pas tout de suite compris que je possédais cette compétence. La révélation ne s’est faite que le jour où le téléphone sonnait en permanence, sans laisser aucun répit à mon maître de stage, qui m’a tout de suite foudroyée du regard : j’avais merdé. Ce qui était évident pour lui, expert en télépathie, ne l’était pas forcément pour moi, mais j’ai bien vite maîtrisé l’art de faire cesser le téléphone et tout est rentré dans l’ordre. Même si je suis fière de posséder ce don, je dois avouer que la brièveté de mon stage m’a empêchée de débloquer la compétence ultime : deviner les numéros de téléphone des personnes à contacter. Je resterai donc intègre face à cela, et garde tout de même l’espoir que l’un de mes successeurs parviendra à me surpasser, pour le grand bien de Musiq’3.

Le don de voyance et la téléportationteleporter-transporter-star-trek

Le quotidien à La Matinale de Musiq’3 est souvent très mouvementé, mais cela ne m’a jamais servi de prétexte pour ne pas respecter l’horaire très rigoureux de mon maître de stage. Mes débuts ont été assez tâtonnants, je ne parvenais pas à estimer à quel moment il allait revenir après l’antenne, ce qui a souvent résulté en un surnombre d’employés dans le bureau par rapport aux ordinateurs disponibles. J’étais prête à abandonner, jamais je ne serais parvenue à faire en sorte que mon maître de stage retrouve son bureau adoré, vide de tout le bazar qu’une jeune fille de 24 ans accro aux accessoires de bureau et à la lecture peut laisser derrière elle. À force de messages subliminaux envoyés par mon compagnon d’infortune, j’ai fini par comprendre très précisément à quel moment le roi de l’antenne serait de retour. J’avais donc déjà acquis le don de voyance, mais il restait toujours la perte de temps causée par le transfert de mon brol dans le bureau adjacent. C’est là que j’ai compris qu’il fallait pouvoir me téléporter. Même si ce n’était que pour de courtes distances, je savais très bien que le jeu en valait la chandelle. Au bout de quelques jours d’entraînement, j’ai réussi à apporter plus de joie, de paix et de quiétude dans le quotidien de mon maître de stage, qui désormais pouvait prendre tout l’espace qui sied à son ego.

En bref

Malgré toutes les difficultés que j’ai éprouvées lors de ma transformation en SuperPam, j’ai été touchée par l’effort de solidarité montré par le reste de l’équipe. Leur statut de super-héros accompli ne leur est absolument pas monté à la tête, et ils se sentaient comme investis d’une mission, celle de faire de moi quelqu’un de meilleur. Lors de mes premiers jours sur mon lieu de stage, j’ai été immédiatement éblouie par les connaissances et le professionnalisme de tous ces super-héros, en particulier mon maître de stage. Même s’il pouvait m’impressionner au début, je me suis bien vite rendue compte qu’il était en réalité une sorte de nounours de bienveillance, qui voue une adoration sans bornes aux chats et aux chanteurs d’opéra. Mon expérience à Musiq’3 n’a pas été seulement pour moi le déclencheur de mon évolution en SuperPam : elle a été aussi le départ de ma réconciliation avec la musique, avec laquelle j’étais restée fâchée pendant trop longtemps. Et rien que pour ça, je dois à toute cette équipe de super-héros une gratitude éternelle.

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L’art, à quoi ça sert?

Ne vous arrive-t-il pas à vous aussi de vous demander si vous aviez vraiment bien fait d’écouter les nouvelles aujourd’hui ? Cette question, je me la pose très fréquemment, d’autant plus en cette période où nous sommes tous les jours confrontés à la triste constatation que l’homme est capable d’une violence inouïe envers ses semblables. Non, je n’ai pas envie de revenir sur ce qui s’est passé à Paris, à Verviers, au Nigeria, en Syrie. Il y a bien assez de gens qui s’occupent de cela et je ne tiens pas à retourner le couteau dans la plaie. Je me dis simplement que de tels évènements nous poussent inévitablement à remettre les choses en perspective, à reconsidérer notre place dans le monde.

J’ai passé une partie assez importante de ma vie à fréquenter le milieu artistique, ce qui m’a toujours poussée à défendre la place de l’art dans la société. Dans mon cas il m’a toujours servi d’exutoire, dans le sens qu’il m’a permis d’extérioriser mes émotions, qu’elles soient négatives ou positives. Je n’ai jamais été de ceux qui considèrent que l’art n’est accessible qu’à une partie privilégiée de la population ; je suis convaincue que nous sommes tous des individus créatifs, et qu’il est propre à chacun de trouver la voie qui lui permet d’exprimer ses émotions et sa vision du monde.

Pourquoi alors faire le lien entre l’art et les évènements qui marquent l’actualité ? Tout simplement parce que ça me désole de nous voir tous absorbés par tant de négativité. Je suis parfaitement consciente que pour certains, l’idée de venir parler du rôle de l’art tandis que des milliers de personnes se font massacrer frôle le ridicule. Chacun est libre de choisir le positionnement qu’il veut avoir par rapport à tout ça. Moi, j’ai choisi la voie qui me convient le mieux : extérioriser mes émotions.

emotional intelligence L’intelligence émotionnelle

La plupart des gens semblent concevoir l’art comme le résultat de la créativité. Cependant, je ne peux m’empêcher de penser que l’art a aussi quelque chose de transcendant : il peut être à la fois la source et le produit d’une impulsion créative. C’est dans ce sens que vont également les professeurs du Yale Center for Emotional Intelligence. Ils s’appuient sur la définition d’ « intelligence émotionnelle » (IE), formulée à l’origine par Daniel Goleman, célèbre psychologue américain et journaliste au New York Times. Cette définition s’articule autour de 5 piliers : la conscience de ses émotions, la capacité à la gérer, la motivation, l’empathie et les compétences sociales. Le centre de recherche de Yale cherche donc à valoriser la place de l’intelligence émotionnelle dans notre société, à laquelle on a trop souvent préféré les capacités cognitives et l’expertise technique. L’idée, selon eux, serait de stimuler l’intelligence émotionnelle et éveiller la créativité chez les individus à travers les arts. De nombreuses études ont été menées à ce sujet, qui prouvent que les individus dont l’IE est élevée disposent de nombreuses qualités qui les rendent efficaces dans leur travail : ils mènent brillamment des projets de collaboration, ils sont de bons leaders, ont une attitude qui leur permet de résoudre facilement des problèmes, et sont à l’aise dans les interactions sociales. Chez les enfants chez qui l’IE a été stimulé, on observe un intérêt accru pour l’apprentissage, une meilleure capacité de concentration et plus d’interactions avec les professeurs.

Une nouvelle approche de l’enseignement

Toutes ces constatations ont mené à la question suivante : comment promouvoir l’intelligence émotionnelle dans l’éducation ? Des professeurs de l’Université Johns-Hopkins (JHU) ont tenté de répondre à cette question dans un paper accessible via ce lien.

Leur théorie est que notre société a été très fortement influencée par la philosophie des Lumières, qui favorise les compétences cognitives au détriment des arts et des émotions. Ils poursuivent en disant que notre perception actuelle de l’art est trop étriquée, et ne comprend pas la notion de « eagerness for truths », autrement dit notre avidité de comprendre, qui s’exprime dans ce cas-ci à travers des systèmes de symboles.

Dès qu’un manque de moyens financiers se fait sentir, l’éducation (et en particulier l’éducation aux arts et le milieu artistique en général) sont les premiers à en subir les effets. L’idée des professeurs de la JHU est de démontrer que remettre l’art et la créativité au cœur des programmes scolaires est une entreprise peu coûteuse, et qui pourtant a des effets très bénéfiques. En allant ainsi à contre-courant d’une société basée sur la production, l’industrialisation et le bénéfice, ils comptent accroître le bien-être des étudiants et stimuler leur avidité de s’instruire et de créer.

L’art comme thérapieart therapy

Outre son application au niveau de l’éducation, l’art a aussi fait ses preuves dans le domaine médical. Ce que l’on appelle aujourd’hui l’ « art-thérapie » aide les individus à retrouver leur équilibre en exploitant au maximum leur capacité créative. Cette méthode s’utilise aussi bien en cas de dépression, qu’en cas de stress post-traumatique ou d’Alzheimer. J’ai également découvert qu’un centre d’oncologie en Suède a mené une enquête auprès d’une cinquantaine de femmes souffrant du cancer du sein, lesquelles ont pris part à plusieurs sessions d’art-thérapie. Les chercheurs ont ainsi pu établir un lien entre l’art-thérapie et la capacité à trouver les ressources nécessaires pour faire face à leur situation. Non seulement ces sessions leur ont permis d’accepter leur image corporelle et de réagir positivement par rapport à celle-ci, mais aussi de focaliser leur attention sur leurs pensées, leurs émotions, leur expérience personnelle, et non plus sur la maladie en tant que telle.

Un moyen et non plus une fin?

Bien entendu tout amateur d’art cherche à défendre la légitimité de l’objet de sa passion par les moyens dont il dispose. Si j’ai choisi tous ces exemples c’est aussi parce que je suis profondément convaincue des vertus thérapeutiques de l’art. J’ai longuement hésité entre des études de médecine et des études musicales, au grand étonnement de mon entourage. Pour moi ce n’était pas si différent, il s’agissait toujours de guérir les gens. L’idée que je cherche à défendre ici est que l’art ne consiste pas seulement à visiter des musées et des expos, à aller voir de temps en temps un bon concert. C’est aussi une source d’inspiration qui stimule les êtres créatifs que nous sommes. Alors est-ce que tout ça signifie considérer l’art comme un moyen et non pas comme une fin ? Peut-être que oui. Est-ce profondément illégitime d’adopter ce point de vue ? Pour certains peut-être, mais certainement pas pour moi. L’art, tel que je le vis, n’est pas élitiste et certainement pas discriminatoire. Alors si pour vous, comme pour moi, il vous permet de vous évader un peu de la misère du monde, je n’ai qu’un conseil à vous donner : exprimez-vous.

Sources:

http://education.jhu.edu/PD/newhorizons/strategies/topics/Arts%20in%20Education/The%20Center%20for%20Arts%20in%20the%20Basic%20Curriculum/oddleifson2.htm.

Emotional Intelligence, Creativity, and the Arts

Öster, Inger et alii. Art therapy improves coping resources: A randomized, controlled study among women with breast cancer. Palliative and Supportive Care, 2006, n°4, pp. 57–64.

Art, musique et génétique

Après un long silence, dû à une charge de travail assez importante ainsi qu’à, je l’avoue, une certaine paresse, je reviens vers vous pour aborder un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Je me suis toujours posé des questions sur l’origine des stéréotypes, selon lesquels les musiciens jouent différemment selon leurs origines. Malheureusement ces stéréotypes qu’on leur colle sont rarement positifs : les Français ont un jeu de machine à coudre, les Russes jouent comme des ours, les Asiatiques comme des robots. Et quand, « mystérieusement », l’un ou l’autre ne joue pas selon ces critères, on est surpris, on les acclame haut et fort, comme s’ils avaient accompli un exploit. Bien que cette interrogation m’ait toujours plus ou moins trotté dans la tête, je n’ai jamais vraiment pris le temps de creuser plus loin. Je vais donc tenter aujourd’hui de vous présenter le résultat de mes nombreuses lectures et de ma réflexion. Bien entendu, je suis tout à fait consciente que ce sujet n’est pas facile à traiter, et que je ne peux pas vous rendre de manière exhaustive, dans ce petit billet, l’intégralité des études que j’ai lues.

 Le concert de Mitsuko Uchida  

Qu’est-ce qui m’a poussé alors, tout à coup, à vouloir me pencher sur cette problématique ? C’est tout simple, un événement culturel : je me suis rendue au concert de Mitsuko Uchida le 16 octobre dernier. Je ne parlerai pas ici de sa performance, mais lors du concert, je me suis surprise à penser que si je fermais les yeux, je ne pourrais jamais « deviner » que l’interprète est asiatique. Je m’en suis voulu d’avoir pensé ça, d’autant que cette réflexion m’a vaguement rappelé celle d’un invité (que je ne nommerai pas) de la RTBF lors d’une session piano du Concours Reine Elisabeth. Il prétendait que les Asiatiques « n’avaient pas les gènes » pour jouer de la musique classique. Cette déclaration m’avait marquée, je trouvais ça choquant de presque délibérément priver toute une partie de la population mondiale du plaisir de pouvoir jouer un certain genre musical, sous prétexte que cela ne serait pas inscrit dans leur ADN.

Des préférences déterminées par nos gènes ?

Malgré cela, je ne pouvais m’empêcher de penser qu’il y avait certains traits communs dans l’interprétation de certains groupes ethniques. Cela m’arrivait de me tromper bien sûr, mais dans les grandes lignes je parvenais toujours à distinguer un jeu « des pays de l’est » d’un jeu « français » ou « asiatique ».

Quelques éléments scientifiques peuvent vaguement nous aider à trouver une piste, à savoir par exemple que selon leur provenance les individus ont des préférences sonores différentes : en effet, selon une étude qui a été menée afin de déterminer les préférences audio selon l’origine culturelle, les Américains préféreraient les basses, les Japonais les médiums et un volume plus élevé, les Allemands préfèreraient les sons plus clairs et brillants, et enfin les Britanniques auraient une préférence pour les sons graves et « secs ». Ces préférences seraient influencées par des facteurs culturels, ainsi que très probablement par la langue parlée dans la région concernée. Cependant on s’aperçoit très vite qu’une telle constatation est complètement insuffisante pour tirer des généralités à propos des choix musicaux des individus, ou de leur façon de jouer. Sans compter que les variations au niveau de ces choix ne dépendent pas uniquement de l’ethnie mais aussi du genre, de l’âge, du milieu socio-professionnel et j’en passe.

Une attitude face à la culture occidentale

Après avoir écarté définitivement « l’hypothèse des gènes » – une hypothèse qui me déplaît très fortement, je tiens à le préciser – je désire en revenir au domaine de la musique classique. On ne peut nier le fait qu’elle connaît un succès grandissant en Asie, particulièrement en Corée et en Chine, où l’on produit à tour de bras des petits prodiges du piano et du violon. S’il est vrai qu’à une certaine époque on pouvait leur reprocher leur jeu un peu robotique, force est de constater qu’ils sont désormais toujours classés parmi les premiers dans les concours internationaux. Mais à quoi est dû cet engouement ? Il y a déjà un facteur historique indéniable, à savoir que dans le contexte de la Révolution Culturelle, tous étaient privés de jouer à la fois la musique nationale et occidentale, et étaient envoyés dans des camps de rééducation. Cette longue période de « privation » peut expliquer leur vif intérêt pour la musique classique.

En ce qui concerne leur jeu, ce que je constate c’est qu’ils sont de plus en plus nombreux à voyager pour se rendre dans les meilleures écoles de musique du monde. Et c’est justement là qu’on peut se rendre compte que le postulat selon lequel ils ne seraient pas « génétiquement programmés » pour comprendre Mozart ou Beethoven ne pourrait être plus loin de la vérité. Ils excellent dans ce qu’ils font, et la raison principale à cela est qu’ils possèdent en eux une éthique de travail et un sens de la discipline très développés. La génétique, on s’en doute, n’a donc rien à faire là-dedans. Pourtant, bon nombre de ces musiciens de l’Extrême-Orient ressentent un besoin de crédibilité et ont, encore aujourd’hui, beaucoup de difficultés à faire sauter les stéréotypes qui les touchent.

 Un rejet d’une culture pour affirmer son identité

Finalement, cet attrait pour la musique occidentale ne dérive-t-il pas du fait que, pendant (trop) longtemps, elle a affirmé sa suprématie culturelle sur le reste du monde ? La musique classique occidentale, n’est-ce pas au fond la recherche de la tonalité et l’opéra ? Il est vrai que ce sont probablement les éléments principaux qui la distinguent du reste, mais la musique classique est aussi pour beaucoup de gens (également en Occident !) un symbole de modernité et de la classe moyenne.

Louis Armstrong

Louis Armstrong

Tous n’ont pas adopté l’attitude des Asiatiques face à la culture occidentale. La communauté afro-américaine aux USA est un parfait exemple de cela : en-dehors de quelques chanteurs lyriques en musique classique, la plupart des Afro-Américains ont affirmé leur identité dans des styles qui leur sont propres (Jazz, Blues, R&B, Hip Hop, etc.). En effet, qu’est-ce que la musique sinon un moyen de se créer une identification et d’offrir une expérience d’identité collective ?

Cela peut évidemment s’étendre à toute autre forme artistique, mais l’idée est que, bien souvent, nos goûts et nos préférences expriment une appartenance sociale.

Bien sûr, la tendance actuelle penche fortement vers la diversité musicale, tant au niveau des préférences des individus, qu’au niveau des influences musicales qui donnent naissance à de nouveaux genres. De plus, grâce aux moyens de communication dont nous disposons maintenant, il nous est plus facile d’avoir accès à des genres qui nous étaient inconnus ou inaccessibles auparavant.

En bref

Je reste très sceptique à l’idée de mêler les préférences ou les compétences musicales à un certain groupe ethnique. Bien sûr il existe des divergences qui sont indéniables, qui ont été forgées par des siècles d’histoire culturelle et artistique. De plus, comme je l’ai dit plus haut, la musique sert souvent à s’identifier à un certain groupe, une attitude d’autant plus répandue chez les adolescents et jeunes adultes. Cependant, le sentiment que j’ai, c’est que la musique va au-delà de ces frontières. Il n’est pas tellement question pour moi de tel groupe ethnique, de telle classe sociale, de tel niveau d’études, de telle tranche d’âge. Il s’agit plutôt d’une sensibilité individuelle, qui fait que tout à coup une émotion naît quand on écoute un morceau, et de cette même émotion peut parfois découler l’envie de devenir musicien et de faire de sa passion sa vie.

Sources:

http://prezi.com/lroalk_vccuj/how-culture-gender-and-age-affect-music-preference-notes/

http://www.jstor.org/discover/10.2307/40318978?uid=3737592&uid=2&uid=4&sid=21105152708263

http://www.temple.edu/tempress/titles/1776_reg.html

G.D. Nelson, The validity of social stereotypes associated with aesthetic preferences in music, 16 mai 2007.

C.G. White, The Effects of Class, Age, Gender and Race on Musical Preferences, 5 septembre 2001.

J.J. Leppänen, The unspoken pressure of tradition: Representations of East Asian Classical Musicians in Western Classical Music, printemps 2013.

Rubens et son héritage: Sensation et Sensualité

Rubens - La chasse au tigre, au lion et au léopard

Rubens – La chasse au tigre, au lion et au léopard

Comme vous avez pu le voir dans mon dernier article consacré à l’exposition Peintures de Sienne, j’attendais depuis longtemps d’avoir l’occasion de visiter une autre expo, tout aussi prometteuse et également proposée par Bozar, j’ai nommé « Sensation et Sensualité, Rubens et son héritage ». Il est vrai que j’aurais préféré pouvoir m’y rendre dès son ouverture pour vous offrir un compte-rendu rapide (voire inédit !) mais, budget étudiant oblige, je n’ai pu la visiter qu’avant-hier.

Premier dilemme lorsque je franchis la porte de Bozar : audioguide ou pas audioguide ? Pour 3€ de plus, le public peut utiliser un dispositif interactif et tactile, qui lui permet d’avoir une vision et une compréhension plus étendues de chaque tableau. Nous étions deux, la question a donc vite été tranchée : mon accompagnatrice* prendra l’audioguide, et moi, comme d’habitude, me chargerai de prendre des notes et de flâner à mon propre rythme.

 L’exposition Rubens et son héritage s’articule autour de six thèmes qui ont été abondamment exploités par le maître flamand :

. La violence : des scènes de chasse, de rapt, l’étude des corps et de leur expressivité ;

. Le pouvoir : la propagande, la mythologie, le double-sens ;

. La luxure : personnages féminins, déesses, concepts allégoriques ;

. La compassion : les tableaux religieux et l’influence sur la peinture baroque espagnole ;

. L’élégance : portraits de personnages de la haute société génoise ;

. La poésie : étude des phénomènes naturels, danses villageoises et détails libertins ;

+ J’ai trouvé que l’idée de diviser l’exposition en six parties distinctes était très originale, cohérente et bien conduite. Les tableaux ont été choisis avec beaucoup de précaution et sont, tout comme dans l’exposition Peintures de Sienne, très bien mis en valeur. J’ai également aimé l’idée de consacrer l’exposition non seulement à Rubens mais aussi à son héritage, ce qui a renforcé le côté pédagogique de ma visite puisque j’ai pu découvrir des peintres que je ne connaissais pas bien, et qui ont inévitablement subi l’influence de Pierre Paul Rubens. Quelques exemples: Thomas Gainsborough, Honoré Daumier, Charles Le Brun, Pierre Soutman et bien d’autres encore.

Rubens - Venus frigida

Rubens – Venus frigida

Tout comme pour Peintures de Sienne, j’ai vraiment très peu à redire sur cette expo. Je n’ai pas eu l’impression d’avoir manqué beaucoup de choses sans l’audioguide, même si je pense que ça reste très intéressant de combiner culture et technologie. Par contre, je pense que pour certaines personnes, l’usage de ce genre de dispositif n’est pas forcément très intuitif, et peut ralentir très fortement la visite. Je pense – et mon accompagnatrice m’a confirmé cela – qu’il serait intéressant de visiter deux fois l’exposition, une fois avec audioguide et une fois sans, mais bien sûr il faut pouvoir se le permettre.

La seconde petite remarque que je ferais, est de ne pas se laisser induire en erreur par le fait que l’exposition semble être intégralement consacrée à Rubens. En effet, le titre de l’exposition est bien Rubens et son héritage, et ceux qui n’auraient pas suffisamment prêté attention à ce détail risquent d’être déçus par la « faible » quantité de tableaux de Rubens, proportionnellement au reste. Je tiens tout de même à souligner que ça reste pédagogiquement très intéressant de pouvoir témoigner de l’influence du peintre flamand à travers les âges, et je salue particulièrement le talent des personnes qui ont dû sélectionner ces tableaux car cela a dû être un travail de titan.

 En bref

Une exposition à voir absolument ! Elle est structurée de manière très originale et on y apprend énormément. De plus, elle s’intègre parfaitement dans la logique des autres expositions proposées par Bozar et à propos desquelles je vous ai déjà parlé, puisque l’école flamande découle elle aussi de l’influence méditerranéenne et donc de l’école italienne. Je peux donc vous assurer que, avec ou sans audioguide, vous aurez accès à une heure de pur plaisir pour les yeux.

Pour plus d’infos:

http://www.bozar.be/activity.php?id=13206&selectiondate=2014-09-27

* ma maman.

Peintures de Sienne

Il y a deux jours, je décide de m’embarquer encore une fois dans une expérience culturelle et me rends à Bozar, pensant pouvoir visiter l’expo dont on parle tant, Sensation and Sensuality, une exposition dédiée aux œuvres du grand Rubens. Une fois sortie du 71, comme d’habitude, calepin et stylo en main, je me dirige d’un pas assuré vers le guichet. Mais – Ô désespoir – on m’informe que l’expo ne commence pas avant deux jours. Heureusement ma déception n’est que très brève, puisque je me braque sur celle dédiée aux peintres de Sienne. Sienne

Un thème inattendu et captivant

L’exposition Peintures de Sienne était depuis quelques temps déjà sur ma liste des must-see de cette saison. De plus, elle est également organisée dans le cadre du Focus on Italy proposé par Bozar, qui, rappelez-vous, comprend aussi l’expo gratuite The Yellow Side of Sociality, à laquelle j’ai déjà consacré un article. J’étais particulièrement intriguée par le thème : on insiste bien souvent sur les peintres italiens – et flamands aussi d’ailleurs – de la Renaissance. L’école de Sienne, en revanche, demeurait pour moi un mystère que je devais percer.

Il s’agit de l’école italienne qui a précédé le Renaissance et qui a connu un grand épanouissement pendant deux siècles (de 1250 à 1500 environ). En effet à l’époque, la ville toscane jouissait d’une grande richesse économique et d’une puissance politique, qui la mettait de ce fait en compétition avec une autre ville de la même région et non moins célèbre, Florence.

Au niveau esthétique, les peintures de Sienne se distinguent par leur influence byzantine, qui fait que certains tableaux s’apparentent fortement aux icônes, avec une dominance du doré et des couleurs chaudes.

Je ne vous en dis pas plus, car je m’en voudrais terriblement de vous gâcher la surprise.

+ L’exposition a littéralement surpassé mes attentes, qui, vous vous en douterez, sont déjà très hautes. Je venais y assister sans aucune préparation, donc aucune connaissance sur le sujet, je n’ai pas pris l’audioguide et pourtant j’ai trouvé que les panneaux explicatifs étaient complets, tout en restant clairs et concis.

Sassetta - Vierge à l'enfant avec des anges.

Sassetta – Vierge à l’enfant avec des anges.

Les tableaux sont très bien mis en valeurs, et on y retrouve un fil conducteur, presque une narration, qui nous fait découvrir l’œuvre de grands peintres Siennois, tels que Duccio di Buoninsegna, Simone Martini, Lorenzetti, Sassetta et bien d’autres. En allant des récits de la vie de Marie aux représentations des Saints de Sienne, le tout en passant par des épisodes de la vie de Jésus, l’exposition Peintures de Sienne nous offre un panorama artistique cohérent qui nous fait presque oublier que nous sommes en plein cœur de Bruxelles.

En toute honnêteté, il y a très peu à redire. J’ai trouvé que l’exposition n’était ni trop longue ni trop courte, juste ce qu’il faut, mais j’ai tout de même entendu certaines personnes s’exclamer « c’est déjà fini ? » en arrivant près de la porte de sortie. Mais après tout, le temps ne semble-t-il pas passer plus vite, quand il est de qualité ?

En (très) bref, je n’ai que deux mots à dire : à voir.

Pour plus d’infos:

http://www.bozar.be/activity.php?id=14090&lng=fr

The Yellow Side of Sociality

Eugenio Montale (1896-1981)

Eugenio Montale (1896-1981)

« Quand un jour d’une porte cochère mal fermée
parmi les arbres d’une cour
se montre à nous le jaune des citrons ;
et le gel du cœur fond,
et en pleine poitrine nous déversent
leurs chansons
les trompettes d’or de la solarité. »

(Eugenio Montale, Les citrons et la maison près de la fontaine.)

Jeudi dernier, je tombe complètement par hasard sur une annonce pour un événement à Bozar, à savoir l’exposition – gratuite, qui plus est – The Yellow Side of Sociality. Une entreprise artistique multigénérationnelle qui tourne autour de la couleur jaune, et qui réunit les œuvres de différents artistes italiens résidant en Europe. Ni une ni deux, je décide de grimper dans le bus 71 et de m’y rendre, histoire de voir de quoi il en retourne.

 Après avoir monté quelques volées d’escaliers – eh oui, une expo, ça se mérite – je me retrouve dans cet espace étrange, insolite. Au début, il m’est difficile de me mettre dans l’ambiance, d’autant que l’exposition est non seulement visuelle mais aussi auditive ; des sons un peu particuliers et obsessifs (je ne vais pas vous gâcher la surprise, et ne vous préciserai donc pas lesquels) sont diffusés à travers toute l’exposition. Je m’approche du panneau explicatif, le parcours vite fait bien fait, et là tout s’éclaire : on nous parle de la définition de la socialité, de l’étymologie de mot jaune, et de tout ce que cette couleur peut évoquer chez les artistes, et plus largement, chez chacun d’entre nous.citrons

« La socialité, c’est la propension naturelle au vivre-ensemble, et à partager les tâches du bien-vivre. »

 + Le concept est plus qu’intéressant, puisqu’il s’agit d’une co-production entre Bozar expo et la Dena Foundation for Contemporary Art, réalisée dans le cadre de la présidence italienne du Conseil de l’UE. L’idée d’une collaboration de ce genre m’a beaucoup plu, car elle a complètement satisfait à ma soif insatiable de multiculturalité, de croisement de cultures. J’ai retenu en particulier les œuvres de Davide Bertochi, Rosa Barba et Renato Leotta, mais bien sûr ceci n’est qu’une opinion très personnelle, et je vous invite donc à partager vos avis si vous avez l’intention de vous rendre à cette expo.

Ma plus grande déception par rapport à cette expo a été de voir qu’elle était assez petite. On peut facilement en faire le tour en une demi-heure, et venant d’une entreprise artistique qui se veut multigénérationnelle et qui cherche à réunir un groupe identitaire autour d’une seule symbolique, j’ai trouvé ça un peu décevant. De plus, s’il est indéniable que The Yellow Side of Sociality contient quelques bijoux artistiques, il était parfois difficile de retrouver le fil conducteur de l’expo. En effet, toutes les œuvres n’étaient pas « jaunes », du coup j’imagine que le lien entre ces œuvres et le thème principal était plus subtil, trop subtil pour moi peut-être. Il en reste que, même si ces œuvres étaient très intéressantes et suscitaient des émotions fortes, elles ne contribuaient pas vraiment à la cohérence de l’exposition.

En bref

Si vous cherchez à apporter un peu de lumière et de couleur à une soirée automnale, et ce, sans débourser un sou et sans y passer des heures, alors je vous conseille vivement The Yellow Side of Sociality. Certains trouveront peut-être qu’il est difficile de se mettre dans le bain, mais je conseille vraiment de surmonter cela et d’aller un plus loin, car c’est une expo qui en vaut la peine. En dehors de ça, si l’art contemporain n’est pas votre tasse de thé, il y aura sûrement un événement culturel dans le coin qui vous conviendra mieux. Je m’assurerai dès lors de sonder le terrain et de vous faire un petit compte-rendu, afin d’être sûre qu’il y en ait pour tous les goûts.

Pour plus d’infos:

http://www.bozar.be/activity.php?id=15067

Bruxelles, capitale du surréalisme administratif

Le 30 août dernier, je me suis rendue à une conférence organisée dans le cadre de BCF alias «Brussels Creative Forum». Je ne savais pas exactement dans quoi je m’embarquais, mais le slogan – now it’s time for culture – m’avais tapé dans l’œil, je savais que ma place était là-bas. Quelques jours plus tôt, j’avais parcouru la liste des activités et m’étais arrêtée sur celle proposée par Paul Vermeylen : « Un pari pour Bruxelles : faire émerger une Europe des cultures ».

Bruxelles

Rue du Marché aux Fromages, Bruxelles

Du coup, j’y suis allée, armée de mon bloc-notes. Autour de moi, des personnes de tous âges, de tous horizons, de différents milieux socio-professionnels. Bref, l’expérience promettait d’être enrichissante. Elle l’a certainement été, mais elle a également suscité en moi plus de questions qu’elle ne m’a apporté de réponses. En effet, c’est précisément au moment où on en est venu à discuter des atouts de notre charmante capitale, et des différents scénarios possibles pour son avenir, que les Romains s’empoignèrent. La discussion a commencé à se développer tout azimut, chacun se cramponnant à son point de vue. Pour certains, Bruxelles était synonyme de cosmopolitisme et de multiculturalisme, tandis que pour d’autres il était essentiel de mettre en avant son background géo-historique. Dès lors, comment aider Bruxelles à se distinguer par rapport aux autres capitales européennes, quand elle semble être le lieu de toutes les tensions et de tous les désaccords ?

Les atouts de Bruxelles

Le cinquantenaire

Le cinquantenaire

Mon parcours et mes multiples voyages ont fait que j’ai souvent été en contact avec des étrangers, et certains d’entre eux avaient eu l’opportunité de visiter Bruxelles. Lorsque je leur demandais leur opinion sur notre capitale, tous me répondaient unanimement : « Bruxelles, c’est tellement international ! ». En effet, pour la majorité d’entre nous, le top-of-mind de Bruxelles est clairement le mix de cultures, et cela se confirme par les chiffres : 30% de la population bruxelloise est étrangère. Mais qu’en est-il alors de l’avis des Bruxellois « de souche » ? Il est vrai que l’identité Bruxelloise n’est pas très affirmée, elle résulte elle-même d’un contact entre milieux francophone et néerlandophone. Néanmoins, on ne peut nier à Bruxelles son statut particulier, son côté charmant et pittoresque qui en fait une capitale pas comme les autres. Dès lors, les Bruxellois doivent-ils laisser leur ville être envahie par des cultures extérieures, et du coup se battre pour préserver ses racines historiques ? Ou bien doivent-ils accepter l’évolution plus « naturelle » des choses, à savoir que Bruxelles, étant déjà le siège des institutions européennes, pourrait devenir le carrefour d’une multiplicité de cultures, au détriment de celle qui lui est propre ? Personnellement, je ne pense pas que le côté belgo-belge de Bruxelles sera si vite mis en danger. Comme je l’ai dit précédemment, Bruxelles, d’un point de vue historico-géographique, est elle-même le pur produit d’un mix de cultures, à savoir le contact entre une culture plus latine et une autre plus germanique. Dès lors, à moins qu’on ne fasse concrètement table rase du passé comme cela a pu être le cas lors de la bruxellisation, je doute très fortement que l’arrivée des institutions et leur développement effacent d’un revers de main toute l’essence de Bruxelles.

Le city-marketing et la question du financement

Façade Tintin

Rue de l’Etuve, fresque murale Tintin.

Du coup, il ne semble pas y avoir d’objection majeure à l’ouverture de Bruxelles vers l’extérieur, et de ce fait, le scénario le plus approprié pour notre capitale est probablement de cultiver ce multiculturalisme qui la compose et d’augmenter son attractivité vis-à-vis de l’extérieur. De cette manière, on peut espérer lui donner une plus-value qui l’aidera à se distinguer, à se différencier par rapport aux autres capitales européennes.

Parler de city-marketing ou de marque d’une ville est devenu de plus en plus tendance. Les débats et conférences sur la question regorgent d’idées plus innovantes les unes que les autres pour accroître l’attractivité des territoires, mais dès qu’il est question de financement et d’aspect économique toutes les portes se ferment. J’ai déjà assisté à plusieurs conférences qui avaient trait à l’offre culturelle de Bruxelles et aux ICC, et combien de fois n’ai-je pas été ébahie de voir les conférenciers littéralement survoler l’aspect financier. Je ne cherche pas ici à faire l’apologie du PIB et du retour sur investissement, loin de là, mais il ne faut pas se leurrer : bien souvent, les chiffres, eux aussi, parlent mieux qu’un long discours. Sans compter que Bruxelles se trouve face à un dilemme : elle tente tant bien que mal de se rendre attractive pour stimuler le tourisme et encourager les investisseurs étrangers, mais elle ne peut toutefois nier les groupes sociaux plus fragiles et qui sont marginalisés, justement parce que cette offre culturelle leur est hors de portée.

En bref

L’offre culturelle devrait donc, idéalement, s’adresser à un public très large, à toutes les catégories de la population bruxelloise. Mais cela est-il vraiment réalisable, quand on sait que Bruxelles est sujette à des tensions dues au bilinguisme français-flamand, que les compétences culturelles sont segmentées, que les multiples projets culturels sont dispersés sur les 19 communes qui la composent et que les procédures administratives sont souvent plus que décourageantes ? Finalement, le problème de Bruxelles n’est-il pas qu’elle continue de se penser comme une région, et non pas comme une ville ? Un élément-clé pour notre capitale serait de surmonter ses tensions internes qui la paralysent, de s’ouvrir vers l’extérieur tout en proposant des activités auxquelles tout un chacun puisse participer. Pour que Bruxelles devienne une ville créative, il faut donc que tous les évènements et projets culturels soient inscrits dans une seule et même stratégie, et cela afin d’obtenir plus de cohérence. Enfin en ce qui concerne le financement, je crois fermement que le débat sera résolu le jour où l’on aura compris que culture peut rimer avec économie, et qu’elle contribue très fort au bien-être de la population. Bruxelles comme ville créative, c’est un travail en chantier, et il reste encore énormément à faire. Toutefois, j’ose dire que le défi ne me semble pas impossible à relever pour une ville qui a été l’un des foyers du surréalisme belge…

Sources:

Conférence BCF2014 le 30/08/2014 « Un pari pour Bruxelles: faire émerger une Europe des cultures », par Paul Vermeylen.

http://www.centresculturelsbruxellois.be/

http://www.platformkanal.be

Le roman-feuilleton et les quotidiens: une amitié renouvelée?

kioskeTout le monde a déjà entendu parler de ce genre littéraire, né au 17ème siècle et particulièrement affectionné à l’époque victorienne, à savoir le roman feuilleton. Genre romanesque qui, déjà à son apparition, s’inscrivait parfaitement dans le flux de la modernité, le roman-feuilleton a suscité diverses réactions, des plus vives critiques jusqu’aux plus grandes éloges. En effet, sa publication épisodique dans les journaux obligeait les auteurs à écrire dans l’urgence, et à maintenir l’intérêt des lecteurs, au risque parfois de tomber dans un sensationnalisme de mauvais goût. Mais aujourd’hui, à l’ère de Facebook, Twitter, et autres formes courtes de communication, le roman-feuilleton ne pourrait-il pas se faire une petite place ?

Les grands noms du feuilleton

Le roman feuilleton, ou serial comme le dénomment les Anglo-Saxons, a souvent été associé à une forme de littérature industrielle, de « malbouffe » littéraire. Le premier but recherché était de stimuler le lectorat afin d’augmenter les ventes de journaux. Il fallait donc plaire facilement à un public le plus large possible. Or, la source de cette critique n’est-elle pas, au fond, une confusion entre contenu et forme ?

romans-feuilletonsLes plus grandes plumes sont passées par ce format de publication, à commencer par Daniel Defoe au 17ème siècle, suivi beaucoup plus tard par Charles Dickens. En France, Dumas père, Balzac et Eugène Sue ont été feuilletonistes à leurs heures. Enfin, des chefs-d’œuvres de la littérature russe sont également parus de manière épisodique, c’est le cas de Anna Karénine, ou encore de Crime et Châtiment.

Peut-on alors réellement parler d’une perte de qualité due au conditionnement qu’impose la forme ? Je pense que non, et si le Dostoïevski du 21ème siècle offrait à lire ses contenus dans les quotidiens, je les achèterais certainement plus souvent.

Quel sens cela a-t-il aujourd’hui ?

Finalement, le problème principal est de savoir à qui s’adresser. Car aujourd’hui, qui lit régulièrement le journal ? Internet nous a simplifié la vie en nous donnant accès à toute l’information, en tout temps et presque toujours gratuitement, précipitant ainsi la crise des médias. Le public devient difficile à capter, il va directement à l’essentiel en ne lisant que les rubriques ou articles qui l’intéressent. C’est un problème indéniable, auquel je n’ai très honnêtement pas de réponse, mais je pense que le jeu en vaut la chandelle. Certes l’idée de redonner vie aux feuilletons s’apparente à une utopie, mais je pense qu’aujourd’hui, stimuler les ventes des journaux et permettre aux médias de se financer autrement que par la publicité est essentiel. De fait, s’il n’y a pas de lecteurs, il n’y a pas de croissance, pas d’argent, pas de journalisme d’investigation. L’information nous donne accès à une compréhension du monde dans lequel nous vivons, or si nous laissons nos médias dépérir c’est justement la qualité de l’info qui en paiera le prix. Ainsi, réintégrer des épisodes de romans dans les quotidiens pourrait augmenter le nombre de lecteurs, tout en promouvant des auteurs locaux et talentueux.

Five Chapters, DailyLit, exfictions

Tels sont les noms de quelques sites qui aspirent à donner un second souffle au roman-feuilleton. Ils proposent de publier une nouvelle par semaine (Five Chapters), de lire des romans par petites parties envoyées sur votre adresse mail (DailyLit), ou simplement de donner accès à une littérature numérique et épisodique, produite par des auteurs peu connus (exfictions). Ces entreprises ne sont qu’à leurs débuts, il est donc difficile de juger de l’impact et du succès qu’elles ont auprès des utilisateurs du Web. Le jour où l’on pourra prouver de manière manifeste que les webséries suscitent l’intérêt du public et ont un avenir viable, alors peut-être pourrons-nous envisager de redorer le blason du roman-feuilleton et de l’intégrer dans nos quotidiens.

livres et ebooksEn bref

Dans un monde dominé par le numérique, par la (sur-)consommation de séries, par la brièveté des messages, le roman-feuilleton semble trouver sa place. Il pourrait permettre à de nombreux quotidiens de sortir la tête hors de l’eau, et par la même occasion ferait connaître une série d’auteurs contemporains qui ne demandent pas mieux que d’être lus. Mais la presse pourrait-elle prendre le risque d’imposer ce modèle, sans même savoir si cela correspond aux attentes de son lectorat ? A vous de me le dire.

 

Sources:

Gillet Michel. Machines de romans feuilletons. Romantisme, 1983, n°41. pp. 79-90

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1983_num_13_41_4656

http://www.brown.edu/Research/Equinoxes/journal/Issue%207/eqx7_deviveiros.html

Serial Fiction

http://www.arte.tv/guide/fr/048392-000/presse-vers-un-monde-sans-papier

Une chaîne européenne du divertissement

Dans une Europe où créer des liens forts entre les différents pays-membres est un combat quotidien, la culture pourrait s’avérer être la « glue » qui nous unit tous. J’ai évoqué précédemment l’idée d’une chaîne européenne du divertissement, aujourd’hui je prends le temps de sonder le terrain. La création d’une nouvelle chaîne télévisée européenne, est-ce réellement concevable ? Quel est le public visé ? Est-ce une solution adaptée à la demande du plus grand nombre ? Quelques pistes de réflexion et des tentatives de réponse…

Les chaînes déjà existantes

euronewsOn ne peut évidemment pas parler d’Europe et d’audiovisuel, sans immédiatement penser à Euronews. Avec une audience s’élevant à 3,6%, un contenu disponible en 13 langues, un site internet bien agencé, la chaîne européenne peut se targuer de rivaliser – en Europe – avec les très connues CNN et BBC, qui elles ne sont disponibles qu’en anglais. En gros, on ne peut que saluer cette entreprise qui tend vers la promotion du multiculturalisme et du plurilinguisme. Mais si Euronews cherche à atteindre un public assez large en traduisant ses contenus, elle reste une chaîne d’information, et est peu diversifiée.

Une autre chaîne, presque unanimement reconnue pour la qualité de ses contenus, et qui se rapproche déjà un peu plus de mon idée de la chaîne du divertissement : Arte. Arte TV ChannelArte, c’est LA chaîne culturelle par excellence. Sa création découle d’un projet soutenu par le Président François Mitterrand et le Chancelier Helmut Kohl lors du Sommet franco-allemand de Bonn, à savoir l’idée de la création d’une chaîne adressée à un public double. La chaîne franco-allemande s’engage également dans des partenariats avec de nombreuses chaînes étrangères, ce qui nous permet d’avoir accès à certains films ou documentaires étrangers. Si Arte peut se vanter d’être un service public audiovisuel de qualité, elle n’a cependant pas un impact sur un public très large ; en effet, elle exige un public d’un certain niveau socio-culturel. De plus, les programmes sont traduits/doublés soit en allemand, soit en français, ce qui limite l’accès à un public qui ne parle aucune de ces deux langues. En 2013, Arte a réussi à grimper à 2% au niveau des parts d’audience en France, ce qui signifie une progression de 33% en 2 ans. Certes cela n’est pas négligeable, et on ne peut qu’encourager la chaîne franco-allemande dans cette direction, c’est-à-dire de continuer à nous fournir de si bons contenus et à exploiter les différentes plateformes qui sont à sa disposition (télévision de rattrapage, Arte Live Web, etc.). Mais 2% de l’audience, ça reste très peu, si on compare par exemple à la moyenne de 14,96% que La Une a maintenue entre 2002 et 2011 en Belgique.

L’ère de la culture participative

Why don't you just switch off the television set?Finalement, on peut se demander si la création d’une chaîne est réellement la solution optimale, si on tient compte du coût que cela représente, et surtout, du public visé. C’est bien la jeune génération qui crée l’Europe, et qui par conséquent serait le public cible. Or, de plus en plus de jeunes (et de moins jeunes) choisissent de visionner, sur Internet, les contenus de leur choix, au moment où ils le souhaitent, ce donne lieu à un public de plus en plus fragmenté et difficile à capter.

De plus, la tendance va largement dans le sens de la culture participative ; le public, et plus particulièrement les 18-24 ans, visionne des vidéos dans le but de chercher de l’information, de se divertir, ou encore de favoriser des interactions sociales. Des plateformes telles que Youtube sont devenues de véritables environnements sociaux, dans lesquels chacun et chacune peut être à la fois consommateur et fournisseur de contenu.

Les utilisateurs sont amenés à partager leurs opinions, à commenter, à diffuser. Il faut donc impérativement répondre à ce besoin du public d’interactivité et de connectivité sociale, et ne plus chercher à leur imposer un programme TV rigide.

MUBI.com – une cinémathèque en ligne

MUBI Europe va dans ce sens, en mettant à la disposition des utilisateurs d’Internet une cinémathèque en ligne, avec un grand choix de films de bonne qualité. Le site est ergonomique, esthétique et simple à utiliser, et propose un double tarif : par mois ou par film, à condition de le visionner endéans les 7 jours. Cette entreprise est soutenue par le programme MEDIA de l’Union Européenne, qui fournit également des aides financières à de nombreux projets ayant trait à la culture audiovisuelle.

Le site a bénéficié d’un essor fulgurant depuis 2007 et offre des films de qualité à petit prix (4,99€/mois), cependant son fondateur – Efe Cakarel – a pris le risque de viser un public de niche, en ne proposant que du cinéma d’auteur. On se retrouve donc, encore une fois, face à une offre qui ne vise pas le plus grand nombre.

En bref

Des tentatives diverses ont été entreprises afin de rassembler la population européenne devant le téléviseur, mais elles tendent toutes à répondre aux besoins d’un public spécifique et pas forcément aux attentes de tous. La création d’une chaîne européenne du divertissement semble être une proposition alléchante au premier abord, mais elle ne tient pas compte des tendances comportementales qui marquent notre génération. Pour qu’un tel dispositif fonctionne, il doit s’insérer dans le flux du numérique et du participatif. L’idéal serait donc de pouvoir avoir accès à une plateforme qui combinerait l’aspect participatif de Youtube et l’esthétisme de MUBI, tout en ayant à notre disposition des contenus plus « ouverts », allant au-delà du cinéma d’art et d’essai, et de l’information en continu.

Sources:

Arte. Communication de presse du 30/12/2013. http://pro.arte.tv/2013/12/2013-arte-poursuit-sa-progression-avec-33-daudience-en-2-ans/

CIM Centre d’Information sur les Médias. http://www.cim.be/fr

Haridakis et Hanson. « Social Interaction and Co-Viewing With YouTube: Blending Mass Communication Reception and Social Connection » Journal of Broadcasting & Electronic Media (2009) 53: 317-335.

Le Figaro. « Euronews est la deuxième chaîne d’info au monde sur Youtube ». http://www.lefigaro.fr/medias/2013/11/03/20004-20131103ARTFIG00183-euronews-est-la-deuxieme-chaine-d-info-au-monde-sur-youtube.php

MUBI: Regardez et découvrez le Cinéma. http//www.mubi.com

Union européenne (2013). Comprendre l’Union européenne: culture et audiovisuel. Luxembourg: Office des publications de l’Union européenne, 12 p.